Le roman " Dracula
" s'inscrit dans la tradition du roman gothique tout en étant une œuvre unique
et singulière. Bram Stoker y intègre des héroïnes modernes, une composition novatrice
ainsi que des éléments de la révolution industrielle qui touchait l'Angleterre
au 19ème siècle. La morale du roman suit les conventions de l'époque victorienne,
où la dichotomie du Bien et du Mal était très nette. Avec " Dracula ", Bram Stoker
inflige cependant quelques entorses à la bienséance, en traitant de sujets tabous
comme le sexe, le sang et la mort. Le vampire Dracula est un étranger menaçant,
qui refuse de se soumettre aux règles de la société et convoite les jeunes femmes
vertueuses. Il offense la morale - et Dieu - en pervertissant l'innocence et en
transformant ses victimes en monstres sensuels.
Bram
Stoker fut notamment influencé par les œuvres suivantes : les récits anglais gothiques
du 18ème siècle (pour le mystère et le décorum), les poèmes allemands du 18ème
siècle (où le vampire était traité selon un mode métaphorique, avec le thème de
la passion amoureuse et funeste), les textes fantastiques anglais du 19ème siècle
(avec la femme vampire comme " Carmilla " de 1871 de Le Fanu). Stoker fut également
influencé par " The land beyond the forest" de 1886 d'Emily Gérard, par " Le vampire
" de 1819 de Polidori (et ses adaptations au théâtre), ainsi que par " Varney
the vampyre " de 1846.
A partir de
1924, " Dracula " connut un franc succès au théâtre grâce à l'adaptation d'Hamilton
Deane. Ce dernier créa l'image du vampire en costume avec une cape. Après le procès
de Florence Stoker contre le film " Nosferatu " de 1922 de Murnau, les auteurs
et les réalisateurs (hormis Deane qui obtint les droits) ne remirent le personnage
de Dracula au goût du jour qu'à partir des années 40. Le film " Le cauchemar de
Dracula " (1958, Terence Fisher) proposa un Comte aux canines pointues et ensanglantées.
L'étude
revient également sur les récits d'épidémies de vampirisme du 18ème siècle. Le
vampire était alors représenté comme un cadavre ambulant. Dracula reprend certains
traits du vampire folklorique : une peau pâle et glacée, une haleine pestilentielle,
un côté bestial avec des paumes poilues et une agressivité instinctive. Dracula
conserve l'image d'un vampire qui se terre dans son château en décrépitude, totalement
isolé. Malgré ses pouvoirs surhumains, il est soumis à des faiblesses. Bram Stoker
met sur pied un véritable lexique des caractéristiques du vampire. On lui doit
son absence de reflet, la morsure au cou, le besoin d'être invité pour entrer
dans un lieu privé ainsi que le repos sur une couche de sa terre natale. En donnant
de son sang, Dracula contamine ses victimes. Il rejoint le vampire de Polidori,
car il s'attaque à des proies du sexe opposé.